Colloque international - MIGRINTER a 40 ans
17-19 juin 2025 POITIERS (France)

Ateliers > 5. Savoir-faire agricole et cosmopolitisme dans les monde ruraux

MARDI 17 JUIN 2025

16 h 00  - 18 h 00

Salle Gargantua (MSHS)

Atelier 5 : Savoir-faire agricole et cosmopolitisme dans les monde ruraux

modérateur·rice·s : Nathalie Bernardie-Tahir, Camille Hochedez, Greta Tommasi,

Louis Tissot, Christine Plumejeaud et Julie Garnier

 

Ouvriers agricoles de père en fils ? Circulations et capitalisation des savoirs migratoires entre les deux rives de la Méditerranée (1974-2008)

Anne-Adelaïde Lascaux

En France, la période qui a suivi les indépendances des anciennes colonies du Maghreb s’est accompagnée de la fin de l’immigration permanente de travail en 1974, recomposant les trajectoires socio-professionnelles des migrants (Perdoncin et Blavier, 2020). Depuis, la main-d’œuvre circule entre les deux rives de la Méditerranée sous le régime de contrats de travail temporaires mis en place par l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII) via des d’accords bilatéraux mis notamment en place entre la France et le Maroc, pensé comme un réservoir de main-d’œuvre peu qualifiée (Décosse et Hellio,
2022). En 1974, les Marocains représentaient 20 000 travailleurs venus en France sous ce régime et plus de 15 000 en 2022. Ce système, central dans l’organisation du système agricole méditerranéen et des filières migratoires entre la France et le Maroc fait de ce dernier le pays d’Afrique émettant le plus de travailleurs saisonniers en Europe.
Longtemps considérés comme des « oiseaux de passage » invisibles (Piore, 1979), les travailleurs temporaires transnationaux sont désormais étudiés par les sciences sociales au prisme de la santé, du logement, des modalités de travail et du droit (Holmes, 2013). Toutefois, peu de travaux abordent leurs trajectoires sur plusieurs générations et dans une perspective multisituée, alors même que l’expérience de la mobilité est constitutive du rapport à l’espace et au mode d’existence de ces travailleurs. Au croisement de la géographie sociale et de la sociologie du travail, en adoptant une démarche historique, cette
communication propose d’interroger comment les familles de travailleurs constituent et s’appuient sur une capitalisation des savoirs migratoires incorporés et transmis entre les générations pour circuler entre les deux rives de la Méditerranée. Cette communication s’appuie sur deux méthodologies d’enquête qualitative mobilisant des sources au Sud et au Nord de la Méditerranée réalisées entre 2019 et 2024 dans le cadre d’une recherche postdoctorale. Les premières données proviennent de l’analyse d’archives privées en français et en arabe d’une entreprise agricole provençale remontant jusqu’aux années 1960. À travers les contrats de travail, les lettres de démission, des ruptures conventionnelles, des avertissements ou encore des lettres de remerciements et des cartes de vœux, on peut lire les stratégies d’agentivité mobilisées par les familles pour en faire recruter les différents membres, ainsi que les formes de résistance discrètes mises en place dans un système du travail mondialisé les rapports de pouvoir sont particulièrement inégaux. Cette démarche historique, s’accompagne d’une recherche de terrain de plusieurs mois réalisée entre la France et le Maroc auprès d’une dizaine de familles d’ouvriers agricoles afin de reconstituer les trajectoires multiscalaires des travailleurs transnationaux dans le bassin méditerranéen.

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Título provisional: Territorios liberados y migraciones de proximidad en Colombia: Circulación y transmisión en la ruralidad post-conflicto

Mendieta Daza Juan Felipe

Este artículo aborda la circulación y transmisión de dinámicas migratorias y normas sociales en territorios rurales de Colombia, recientemente liberados del control de actores armados. A partir de una primera fase de trabajo de campo en la región de Labranzagrande, se examina cómo la liberación territorial ha influido en la circulación de personas y la transmisión de normas sociales en las comunidades campesinas. En lugar de observar un retorno masivo a las tierras liberadas, se constata un fenómeno de migraciones de proximidad, donde las poblaciones rurales prefieren moverse hacia municipios cercanos que ofrecen oportunidades económicas formales pero que les permiten mantener un apego emocional a sus territorios de origen.

El concepto de topofilia económica se presenta como una clave para entender cómo el apego al territorio y la cercanía geográfica permiten que estas poblaciones campesinas continúen ejerciendo sus actividades laborales, pero sin romper los lazos con su tierra natal. Sin embargo, la topofobia, o el rechazo a zonas afectadas por la violencia del conflicto, también juega un papel en estas decisiones, evitando que las personas se instalen en territorios que consideran inseguros.

El artículo explora la llegada incipiente de migrantes internacionales venezolanos a las zonas rurales, quienes, aunque podrían representar una fuente de mano de obra necesaria, quienes encuentran las duras condiciones laborales y el aislamiento rural como barreras para asentarse. Esto crea una paradoja en la circulación de personas: hay demanda de trabajo en los territorios rurales, pero la oferta de mano de obra no puede satisfacerla debido a las barreras socioeconómicas y la memoria del conflicto.

A través de entrevistas a campesinos y análisis de datos migratorios, se explora cómo las normas sociales vinculadas a la migración se transmiten entre generaciones y cómo estas influencian las decisiones de migrar o permanecer. Este trabajo sitúa el concepto de territorios liberados dentro del contexto más amplio de la circulación y transmisión de personas y normas en la ruralidad post-conflicto, y plantea una reflexión sobre cómo la transmisión de conocimientos y experiencias influye en las dinámicas migratorias contemporáneas.

Este trabajo hace parte de una tesis en curso en el área de geografía y se inscribe en el sub tema Circulación y Transmisión.

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Transmissions, translations et transactions dans les parcours migratoires et professionnels de travailleur·euses agricoles d’origine latino-américaine entre l’Espagne et la France

Jeanne Apostoloff et Béatrice Mesini

Les départements agricoles du sud de la France ont vu l’arrivée massive de travailleur·ses latino-américain·es détaché·es par des entreprises d'intérim espagnoles (Mésini, 2013, 2015,2018, 2022 ; Décosse, Hellio, Mésini, 2022, Hellio & Mésini 2022). Ce processus s’est opéré à la faveur de plusieurs crises traversées par celles et ceux qui témoignaient déjà d’une expérience d’émigration et d’installation en Espagne. Entre 1996 et 2005, la population d’origine latino-américaine y passe de 200 000 à plus de 1,5 million d’individus (Pellegrino, 2007 : 108 ; Uribe,2015), avant que de nouvelles mobilités vers la France se mettent en place à partir de 2010.
D’un point de vue diachronique, nous faisons l’hypothèse d’invariants dans les circulations de ces travailleur·euses « économiquement faibles » (Pike David, 1977 : 294) de la péninsule ibérique, muni·es d’un capital d’autochtonie facilitant « l’appropriation des espaces » (Tissot, 2010 : 99), en lien avec l’accumulation de compétences au cours de la migration (Séhili & Zúñiga, 2014) et favorisant leur insertion dans les enclaves de production agricole (Gadea et al., 2015, 152).
D’un point de vue quantitatif, nous croiserons la base statistique des contrats d’introduction OMI, qui illustre la centralité des Espagnol·es dans le secteur agricole (1953- 1991), avec celle des détachements de la DARES (2016-2020), qui atteste de la surreprésentation de peones agricolas dans un secteur agricole structurellement en tension. Ces données seront quantifiées et contextualisées avec les statistiques de l’INE en Espagne, qui renseignent les mobilités transnationales des populations latinas et leur installation dans les enclaves agricoles. D’un point de vue synchronique et qualitatif, ces mobilités seront décrites et analysées à la lumière des enquêtes menées en Espagne (Murcia) et en France dans les deux bassins d’emplois agricoles du Sud-Est et Sud-Ouest (BDR, Gard, Landes).
La profondeur de ces parcours migratoires et professionnels réinscrits dans un champ spatio-temporel élargi donnent à voir un ensemble de « passages », entre temporalités, espaces (transnational et transfrontalier) et statuts (circulations bridées ou libres). Nous proposons de rendre compte de ces trajectoires complexes en déployant le cadre d'analyse offert par la polysémie du préfixe trans-, qui nous permet de mettre en lien chaque étape des parcours avec les autres, en alliant les échelles globales et individuelles. Nous explorerons la valeur heuristique de ce préfixe, pour penser la similarité et l’altérité dans un monde évolutif (Bansard, 2023), à travers les termes Transmitto, Translātio et Transatio1, pour décrire respectivement les diverses séquences migratoires, la pluralité de lieux d’ancrage et les statuts variables d’emploi dans les sociétés d’accueil (Espagne) et de travail (France) et ainsi fournir une analyse fine des situations migratoires explorées.


1 Dictionnaire Latin-français, réalisé avec le concours de Jean-Claude Hassid et Jean-Paul Woitrin.

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